"Kojève écrit qu’un désir n’est humain que dans la mesure où il se porte sur un autre désir. Il veut dire qu’un désir est le seul « objet » non naturel par lequel l’homme puisse s’élever au-dessus de l’animalité. Les animaux ont des désirs pour des choses du monde, pour de la nourriture, pour des femelles. L’homme, de surcroît peut désirer s’approprier un désir; il désire ce qu’un Autre désire, non parce qu’il en a envie, mais parce que l’autre le désire, tout simplement. Inversement il peut vouloir qu’un autre désire ce que, lui, il désire. C’est dans ce jeu de désirs qui se désirent que Hegel devine l’origine de l’histoire de l’homme, de la lutte à mort du maître et de l’esclave, du politique.
Même le désir sexuel est, chez l’homme, désir d’un désir. Une femme n’est désirable que par celui ou ceux qui la désirent. Plus les hommes l’entourent, plus son amant, en la prenant, s’appropriera les désirs qu’elle suscite. Elle, de son côté, participe aussi à ce jeu en se maquillant pour devenir l’objet du plus grand nombre de désirs possibles. Ce n’est pas tant elle que l’amant désire que les désirs qu’elle suscite. Si une femme ne peut être désirable que parce qu’elle concentre les désirs des autres, alors plus elle tendra vers la courtisane ou la prostituée, plus elle sera humainement désirée. Si, comme le dit Kojève, il n’y a d’histoire que parce qu’il y a des désirs désirés, le quartier des putains ou les palais remplis de courtisanes contribuent plus à l’humanisation des désirs, au devenir de l’homme, à l’histoire, que tous les partis politiques réunis. Vive Henry Miller!"
--- Passions philosophiques: parcours / Jan Marejko
Sunday, September 25, 2011
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