Tuesday, May 03, 2011

Les célibataires

"If there are no stupid questions, then what kind of questions do stupid people ask? Do they get smart just in time to ask questions?" - Scott Adams

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"La dénonciation du célibat doit être replacé dans la hantise sexuelle du XIXe siècle.

Bien sûr, pour que de telles statistiques puissent être valables, il faudrait les mener sur une vaste échelle; ne peut-on penser, par exemple, que la proportion de célibataires sera plus grande chez les jeunes gens cacochymes et rachitiques qui ne trouveront guère à se marier, et dont la mortalité sera certainement plus précoce ? Le célibat est peut-être la conséquence, plus que la cause, d'une constitution chétive. C'est ce que souligne notamment Durkheim, dans un vocabulaire qui trahit les intentions moralistes de son temps : la classe des célibataires << se trouve ainsi comprendre tout le déchet humain du pays. C'est là que se rencontrent les infirmes, les incurables, les gens trop pauvres ou notoirement tarés>>. Les antiques clichés sur les vieux garçons sybarites cachent peut-être aux moralistes ceux qui meurent doucement au fond des sanatoriums.

Le cliché le plus répandu, cependant, est celui de l'égoïsme. Dans un monde où l'homme propose et la femme dispose, le célibataire a fait un choix conscient, dont il est pleinement responsable ; la femme, dans bien des cas, n'a pas été choisie, et n'est coupable que si des refus répétés ont motivé son célibat. Dans la vision pessimiste de Balzac, héritier en cela de l'époque classique et de dix-huit siècles de christianisme, l'égoïsme est naturel à l'homme. Si, dans la tradition chrétienne, c'est l'humilité de la foi qui l'en corrige, dans la société décrite par le romancier, ce sont les relations sociales, et en particulier le mariage : << Il est nécessaire à l'homme d'éprouver certaines passions pour développer en lui des qualités qui donnent à sa vie de la noblesse, en étendent le cercle, et assoupissent l'égoïsme naturel à toutes les créatures >>

--- Histoire du célibat et des célibataires / Jean-Claude Bologne
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